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C’est une nouveauté dans l’histoire que les plus grandes puissances de l’Europe aient été obligées de se liguer contre un marquis de Brandebourg[1]. »

L’intérêt, à la cour, comme à la ville, était donc aux péripéties de cette « chasse » ; on se passionnait pour cela. Et quant au Canada, valait-il la peine qu’on s’en occupât ? Voltaire proposait, sans tant d’affaires, de le « vendre aux Anglais » qui l’auraient acheté volontiers, il le tenait lui-même de la bouche de M. Pitt. Pour le surplus, il formulait ainsi sa philosophie… patriotique : « On plaint ce pauvre genre humain qui s’égorge dans notre continent à propos de quelques arpents de glace au Canada[2]. »

Le ministère n’était guère éloigné de partager cette indifférence coupable. Lorsque M. de Vaudreuil, en vue de la campagne de 1757, demanda des soldats et des vivres au cabinet de Versailles, il le trouva effrayé des dépenses que l’on faisait pour cette colonie, tout occupé de ses armées d’Allemagne et peu disposé à envoyer les secours nécessaires en Amérique. Le transport des troupes à quinze cents lieues était, disait-on, très onéreux ; il fallait de nombreux bâtiments ; on était obligé de disputer le passage aux Anglais ; il fallait une guerre maritime pour conserver la Nouvelle-France et le gouvernement s’était prononcé pour la guerre continentale[3]. Bref, tout ce que M. de Vaudreuil put obtenir fut un secours de 1,500 hommes.

  1. Lettre à M. de Cideville.
  2. Lettre à M. de Moncrif du 27 mars 1757.
  3. Dussieux, p. 159.