Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre, outre une quantité de petites barques, d’immenses approvisionnements d’armes, de munitions et de vivres dont notre armée profita, tombèrent au pouvoir des Français. On estime à 15 millions la perte matérielle de l’Angleterre en cette journée.

L’effet moral en fut très grand aussi, au moins en Amérique. Les Anglais renoncèrent aux attaques qu’ils avaient projetées sur nos propres forts et se contentèrent de se protéger du mieux qu’ils purent contre les incursions des bandes canadiennes et les cruelles attaques de nos sauvages alliés. Sous la terreur de ces agressions, les colons de la Virginie et de la Pensylvanie reculèrent les bornes de leurs habitations à plus de quarante lieues en deçà des Alléghanys ; encore ne furent-ils pas tout-à-fait à l’abri des attaques des nôtres. Le chevalier de Villiers, avec un détachement qui ne comptait que cinquante-cinq hommes, alla prendre le fort Grenville, à vingt lieues de Philadelphie ; « tout y fut brûlé, tué ou fait prisonnier ».

Ces succès que M. de Lévis attribuait à la chance autant qu’au « bien joué », ne faisaient que farder la triste situation où se débattait, au dedans, la colonie. La disette s’y faisait déjà sentir, la récolte ayant presque totalement manqué dans le gouvernement de Québec et les bras ne suffisant pas d’ailleurs à l’agriculture, depuis que la presque totalité des habitants était appelée à servir dans les rangs de la milice. Un certain nombre de familles acadiennes ramenées cette année-là de Miramichy à Québec, eurent à souffrir de grandes privations, et beaucoup moururent de faim ou de dénuement.