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Acadiens qui composaient la plus grande partie de la garnison dans les forts de Beauséjour et de Gaspareaux que nous venons de voir pris par le colonel Winslow. Le reste des Acadiens, soit donc une population de 8,000 habitants, vivaient paisiblement dans leur presqu’île, sur les terres qui les avaient vus naître, que leurs pères avaient défrichées et qu’ils cultivaient avec amour, donnant l’exemple de toutes les vertus privées et domestiques. Ils avaient subi, sans trop protester, la souveraineté de l’Angleterre, et tout ce qu’ils demandaient, c’était qu’on les laissât cultiver en paix leurs petits domaines et qu’on ne les contraignît pas à porter leurs armes contre leurs anciens compatriotes, contre les hommes de leur langue, de leur religion et de leur sang. Une sorte de convention tacite s’était établie sur ce point entre eux et leurs gouverneurs, et leur avait valu leur nom de « Français neutres ». « Peuple simple et bon, dit Raynal dans la langue un peu mièvre de son temps, l’agriculture était son occupation ; leur mœurs étaient extrêmement simples ;… on n’y connaissait pas la misère, et la bienfaisance prévenait la mendicité… C’était une société de frères, également prêts à donner ou à recevoir ce qu’ils croyaient commun à tous les hommes. Cette précieuse harmonie écartait jusqu’à ces liaisons de galanterie qui troublent si souvent la paix des familles. On ne vit jamais dans cette société de commerce illicite entre les deux sexes. C’est que personne ne languissait dans le célibat. Dès qu’un jeune homme avait atteint l’âge convenable au mariage, on lui bâtissait une maison, on défrichait, on ensemençait des terres autour de sa demeure ; on y mettait les vivres