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l’Amérique à l’Angleterre ! Pour être conformes à la loi de croissance des États, ces retours des choses n’en sont pas moins parmi les plus étranges coups de théâtre de l’histoire.

Quoique la guerre ne fût pas encore déclarée, il était clair qu’on ne pouvait laisser le Canada sans secours. La disproportion était trop grande entre les forces de nos colonies et celles des colonies anglaises d’Amérique pour que la France pût espérer de conserver son empire colonial autrement qu’en mettant dans la balance tout le poids de son épée ; encore n’eût-il pas fallu se laisser entraîner, presque en même temps, à la fatale guerre de Sept-Ans ! La population des provinces anglo-américaines s’élevait, en 1705, suivant les calculs de Franklin, à un million deux cent mille âmes, tandis que le Canada, le Cap-Breton et la Louisiane réunis en comptaient, à peine de 75 à 80 mille. Les forces régulières du Canada ne s’élevaient pas à mille hommes, tandis qu’on pouvait évaluer à 15,000 celles que la Nouvelle-Angleterre et la Nouvelle-York allaient bientôt mettre sur pied. Dans ces conditions, nous l’avons dit, la France ne pouvait hésiter, si elle tenait à conserver le Canada, à envoyer de solides renforts de l’autre côté de l’Atlantique.

On embarqua à Brest, en avril 1755, six bataillons d’infanterie qui comptaient un peu plus de 3,000 soldats et de 200 officiers. Toutes ces troupes partirent pleines d’ardeur, leur entrain faisant pressentir les victoires qu’elles allaient remporter à quinze cents lieues de leur patrie. « Tout s’est passé dans le meil-