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dispensât de porter les armes en cas de guerre contre les Français : d’où le nom de French neutrals sous lequel on les désignait dans toute l’Amérique anglaise. Le premier moyen (et plût au ciel qu’il n’eût employé que celui-là !) dont se servit le gouvernement anglais pour assurer sa conquête et prévenir le danger d’un retour de l’Acadie à la France, fut d’établir à tout prix une forte population anglaise dans le pays même. Des fonds considérables (57,582 livres sterling en 1749, et 53,927 l’année suivante) furent consacrés à la colonisation de la Nouvelle-Écosse. On ne perdit point de temps et, pendant l’année 1749, on vit débarquer dans le hâvre de Chibouctou 2,544 colons accompagnés d’une forte garnison. Jamais le gouvernement anglais en aucun pays du monde n’avait encore tenté un pareil essai ni réalisé un tel effort. C’était une véritable ville que l’on créait de toutes pièces sur cette baie déserte, où se trouvaient à peine deux ou trois huttes de pécheurs acadiens[1]. La nouvelle ville fut nommée Halifax ; elle est restée, depuis lors, la capitale de la Nouvelle-Écosse.

Cette fondation dessilla complètement les yeux de la plupart des Acadiens ; il leur était bien difficile de conserver aucune illusion sur l’avenir, et ils comprirent l’étendue ainsi que l’imminence du danger. Dans les îles du golfe Saint-Laurent (île Saint-Jean, île du Cap-Breton, etc.), qu’occupaient encore les Français, se trouvaient déjà quelques villages créés par leurs compatriotes ; plusieurs y émigrèrent[2]. Ceux qui restèrent

  1. Rameau, p. 156.
  2. Ibid.