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l’Amérique et étaient décidés à ne respecter ni les traités, ni les droits acquis[1].

Un puissant effort fut également fait pour peupler de colons anglais la péninsule acadienne.

Jusqu’alors la « Nouvelle-Écosse », ainsi que s’appelait désormais l’Acadie, n’avait compté d’autres habitants — sauf la garnison anglaise d’Annapolis — que les Acadiens, descendants des anciens colons français et les Indiens Micmacs, alliés constants de ces derniers. Or cette population d’Acadiens, restés Français de cœur comme de langue, s’accroissait dans des proportions qui n’étaient pas sans inquiéter le gouvernement anglais. Elle se doublait par elle-même tous les seize ans, tant était grande sa fécondité. Au lieu des 2,000 individus que ce petit peuple comptait au moment de la conquête en 1710, on en comptait 5,000 en 1731, 8,000 en 1739 et, si cette progression se continuait, ils pouvaient être plus de 100,000 à la fin du siècle. Que deviendrait alors, malgré le traité d’Utrecht, la domination anglaise sur un pays demeuré français par son sang, par sa langue, par ses traditions, par toutes les fibres de son cœur ? Déjà, pendant la dernière guerre, il s’en était fallu de peu que les Acadiens ne s’unissent à leurs frères de France et du Canada pour reprendre leur vieux Port-Royal aux Anglais. Ils n’avaient consenti à s’abstenir que sur la promesse qu’on respecterait leur neutralité, car leur prétention constante, depuis la conquête, et lorsqu’on les pressait le plus sur le serment d’allégeance à l’Angleterre, était de ne prêter ce serment que sous une réserve, qui les

  1. Dussieux, Le Canada sous la domination française, p. 112.