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Français avec la multitude toujours renaissante et toujours croissante des Anglais ; l’absence complète de tout renfort achevait de grandir leur méfiance, et il devenait très difficile de les mettre en mouvement. Saint-Castin et les autres capitaines vinrent donc, à l’appel de Subercase, accompagnés d’un nombre d’hommes si restreint que l’on ne put songer à organiser une petite armée intérieure, comme on l’avait fait avec tant de succès dans les sièges précédents.

On pouvait d’autant moins y songer que les Acadiens eux-mêmes étaient atteints par cette épidémie du découragement. Se sentant isolés et comme abandonnés dans le désert par la mère-patrie, en face de l’animosité persistante et passionnée des Anglais, ils étaient à la fin saisis d’une inquiétude vague qui ressemblait à de l’effroi. Port-Royal, à trois reprises différentes, avait repoussé l’ennemi par une résistance héroïque ; mais ces succès eux-mêmes, si extraordinaires et qui n’avaient été obtenus que par un emploi judicieux du peu de ressources dont disposait la colonie, avaient épuisé le pays, et l’abandon dont ils étaient l’objet avait lassé le courage des plus valeureux. Seul, M. de Vaudreuil envoya à leur aide un détachement de milice canadienne ; mais cette faible troupe fut d’un médiocre secours. Ces hommes se laissèrent aller à l’abattement général, plusieurs désertèrent, et c’est à tort certainement que Garneau, dans son histoire si excellente d’ailleurs, reproche à Subercase de n’en avoir pas tiré meilleur parti[1].

  1. Rameau. Pages 344 et 345.