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les habitations de La Hève et de Port-Royal, que d’Aulnay continuait d’administrer au nom des héritiers de Razilly, d’abord, et en son propre nom ensuite.

Celle cote mal taillée devait avoir pour effet d’envenimer les dissensions au lieu de les apaiser. En attendant qu’elles en vinssent au point d’armer l’un contre l’autre les deux chefs français, ceux-ci s’entendaient avec les sauvages Abenaquis, Etchemins et Souriquois et, par leur intermédiaire, étendaient sur une grande échelle le commerce des pelleteries. Delatour en particulier, grâce à la position de son fort, qui dominait le bassin du fleuve Saint-Jean, recevait facilement les fourrures d’un immense territoire. Chaque année voyait arriver à Jemsek des flotilles de canots qui descendaient du fleuve et de ses affluents, les uns montés par les agents et les coureurs de bois expédiés par Delatour, les autres conduits par les Indiens eux-mêmes. Ce commerce, grâce à la paix qui régnait alors entre la France et l’Angleterre, jouissait d’une sécurité jusqu’alors inconnue, et donnait de tels profils qu’en certaines années on peut évaluer ceux de Delatour de 100 à 150,000 livres[1].

D’Aulnay faisait mieux encore. Non content de s’enrichir par le moyen de la traite, il se préoccupait de peupler son gouvernement, dont il avait, abandonnant La Hève, rétabli le siège principal à Port-Royal. Étant passé en France en 1641, il ramena avec lui de la Touraine ou du Berry, une vingtaine de familles nouvelles et plusieurs engagés à temps. Lui-même, prêchant d’exemple, avait depuis longtemps installé avec lui sa

  1. Rameau. Une colonie féodale, p. 73.