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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

à garder. Ce ne fut pas sans menaces que je parvins à lui faire reprendre son argent ; elle me laissa avec la jeune fille, qu’elle déclara être juste ce qu’il fallait pour duper un vieux fou de mon espèce.

Je vous ai déjà dit que ma lucarne m’a donné des moments bien agréables ; mais rien ne peut être comparé au bonheur que m’a procuré la dernière locataire du petit grenier.

On ne doit plus s’étonner de ce que je ne pouvais regarder Élisa (plus de Jenny désormais) sans me sentir attiré vers elle par un mouvement indicible ; néanmoins, cher lecteur, afin que tu puisses savoir quelle en était la cause, il est nécessaire de se connaître un peu mieux ; et comme la politesse exige que je te montre l’exemple, je vais te donner quelques éclaircissements ; je serai court, ainsi ne perds pas trop tôt patience.

Je vous ai déjà dit peut-être que, pendant les quarante premières années de ma vie, je cherchai mon propre bonheur en faisant celui des autres ; j’éprouvai les plus amères déceptions par la conduite de ma sœur qui me tenait lieu de fille, car elle avait vingt ans de moins que moi. Elle aimait un libertin qui devait la rendre malheureuse, je le lui dis ; mais sans m’avoir écouté, elle partit avec lui. Je rompis avec elle dans le premier moment de ma colère, et avant qu’elle fût apaisée, ma sœur mourut en donnant le jour à une fille. La mort en mettant fin à mon ressentiment, renouvela mon affection. Elle laissait aussi un fils alors âgé de cinq ans. Je me fusse chargé de ces enfants, mais son mari refusa absolument de me voir ; il s’éloigna, et je perdis leurs traces.

Hélas ! leur sort fut affreux ; négligés de leurs pères qui dissipa son bien au milieu de honteuses débauches, leur enfance et leur jeunesse furent privées des avantages et des plaisirs auxquels ils étaient destinés.

Les maladies et la perte de sa fortune ramenèrent leur père à la conviction de son injustice envers ses enfants, mais, hélas ! il n’était plus temps !… Sa mort sépara les