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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Elle a travaillé tout le jour, quittant seulement son ouvrage quelques fois pour pleurer.

Samedi. — Je ne sais que penser, voici deux garnements d’une tournure bien suspecte ; je suis presque sûr que ce sont des huissiers ; ils vont, viennent… regardent souvent à la fenêtre de Jenny. Quoi ! la personne qui visite Jenny est maintenant à leur parler, je crois ; vraiment c’est bien elle ; aurait-elle l’intention de faire arrêter la jeune fille ? Elle le fait cependant ! les voilà qui entrent tous les trois ! Oh ! toute vicieuse que puisse être cette jeune fille, elle ne sera pas traînée en prison !

Tu ne m’arrêteras point, petite espiègle ! je dois, je veux finir l’esquisse de ce que je vis de ma lucarne. Oui, cher lecteur, et toi aimable lectrice, vous saurez tout…

Après avoir jeté ma plume avec rage, je descendis de mon escalier, je traversai la rue avec une agilité que je ne me connaissais pas ; mon vieux domestique, me suivait immédiatement ; ce pauvre Jacques, me croyant fou, se signait et implorait à voix basse tous les saints du paradis. J’arrivai au moment où les affreux serviteurs de la justice mettaient leurs mains impures sur la pauvre fille, que la terreur semblait avoir glacée.

— Que demandez-vous à cette jeune fille, dis-je à l’huissier d’une voix rauque, (dans ce moment j’ai dû être terrible. ) Il jeta les yeux interrogativement sur sa conductrice, qui me répondit en me lançant un coup d’œil de vipère :

— Nous pouvons arranger cela ensemble, mademoiselle et moi, sans votre intervention.

— Oh ! non, monsieur, non ! je ne veux rien avoir à démêler avec une telle femme, je préfère aller en prison !

— Vous avez donc emprunté de l’argent de cette femme ?

— Certainement !

— Non ! c’est faux ! j’ai cru que cet argent m’était donné ?

— Vous saviez bien à quelles conditions il vous fut offert, dit la femme horrible qui, exaspérée à l’idée de voir sa proie sur le point de lui échapper, pensait n’avoir plus de retenue