Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Midi. — Rien encore ! Mais… oui ! la voici au bout de la rue ; elle vient légèrement en portant un paquet. Pourquoi se retourne-t-elle… Bonne fille ! elle aide un aveugle à traverser la rue. Vraiment ! je crois avoir trouvé en elle un trésor.

Il faut qu’elle ait été à la recherche d’ouvrage, car elle a cousu toute la journée. Je l’ai regardée plusieurs fois, mais je l’ai toujours vue occupée.

Huit heures du soir. — Elle a reçu une visite ; une femme bien mise, ma foi ! elle est restée longtemps avec elle. Il me semble que je n’aime pas cette femme ; ce doit être sans cause puisque rien ne doit me prévenir contre elle ; au contraire, elle paraît prendre intérêt à la jeune fille ; cependant, je ne puis aimer cette femme. Elle est trop caressante ; et la pauvre fille paraît penser ainsi, car je crois avoir observé qu’elle a retiré plusieurs fois sa main de celles de cette femme.

Après tout, je crois que c’est parce qu’elle m’a devancé ; je l’ai vue donner de l’argent à la pauvre jeune fille qui le prenait d’un air reconnaissant et modeste. Je suppose qu’elle ne sera pas longtemps ma voisine, mais il faudra que je sache où elle ira.

Si je ne me connaissais pas à l’abri du pouvoir de l’amour, je commencerais à craindre que les glaces de l’âge même ne m’en défendissent pas… en attendant que je sache son nom, je dois lui en donner un… Jenny par exemple ? oui, c’est bon, ce nom me plaît. Jenny ! ô Dieu ! combien j’aimai une femme de ce nom… mais c’est fini, ô ! fini…

Vieux fou ! ne voilà-t-il pas que je vais m’attendrir à propos d’une fille qui habite un grenier !

Jeudi. — Quel imbécile je dois être pour avoir cru à la vertu d’une femme ! Cette fille est… perdue ! complètement perdue !… Oh ! quelle preuve elle vient de me donner que la fausseté est immédiatement inhérente à une femme : mais je serai méthodique.

Ce matin, tandis que je la regardais travailler, un jeune