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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

m’inquiète. Je n’aime pas à voir le soleil rouge, il me fait peur.

— Ah ! folle, laisse cette idée ; c’est un enfantillage ; voyons, ne t’en occupe plus.

Et Léocadie, comme si elle eût eu honte de sa peur, s’était caché le visage dans ses deux mains. En ce moment ils entendirent derrière la tour comme des pas d’homme, dont le son vibra affreusement sur chacune des cordes de son âme. Joseph n’y fit point attention ; et Léocadie sembla ne pas le remarquer, pour ne lui causer aucune inquiétude. Cependant, comme s’il y eût eu quelque chose qui agissait là, dans son âme, dans son âme prévoyante de quelque malheur, elle se retourna vers Joseph.

— Viens, lui dit-elle, je veux partir d’ici, je ne suis pas à mon aise. Ah ! viens-t-en. — Et elle voulait l’entraîner avec elle.

— Avant de partir, entrons du moins un instant dans la tour, avait répondu Joseph.

Comme ils mettaient le pied sur le seuil de la porte, un nuage passa rouge sur le disque du soleil ; et une ombre, une ombre de mort se répandit sur le visage de Joseph. À cette vue, Léocadie tressaillit, et une larme roula brillante sur sa joue. Joseph l’essuya, sourit et se penchant sur le front de Léocadie il lui donna un baiser. Au même instant, et comme si ce baiser eut été le signal que le monstre attendait pour exécuter son crime, il se précipite, rapide comme la foudre, sur ses deux victimes. Léocadie a reconnu l’étranger. Un couteau brille à sa main. Elle se rappelle le soleil de sang, jette un cri, pâlit, et tombe sans connaissance et sans vie aux pieds de son assassin qui l’a frappée au cœur. Joseph s’est élancé sur lui. Il est sans arme, mais il veut venger Léocadie, ou bien expirer avec elle, avec elle qu’il aimait plus que sa vie. Une lutte s’engage violente, l’étranger enlève Joseph dans ses bras nerveux, et le terrasse sous lui. Un genou sur sa poitrine, il le saisit à la gorge. Le malheureux fit de vains efforts pour se débarrasser des