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LE RÉPERTOIRE NATIONAL

mais en revenant j’ons rencontré M. le Bailli qui m’a dit com’ça : D’où qu’tu viens Colas ? Moi j’l’y ai dit que j’venais d’cheux M. Dolmont ; vl’a t’y pas qu’y s’est mis à deviner à mes yeux que j’avions d’l’amour pour toi. Ah ! m’a t’y dit, j’sais bien c’que tu as, t’es amoureux d’Colinette ; moi quand j’ai vu ça, j’ai dit tout ingénument que c’était vrai, mais que j’n’osions l’y en parler. Eh bien ! Colas, y m’a dit, j’veux m’intéresser pour toi ; viens tantôt m’trouver cheux M. Dolmont, et je l’y en parlerai ; moi ben content j’l’ons remercié, et j’sommes accouru t’chercher pour te conter ça.

colinette. Tu as fait là une belle affaire.

colas. Vas-tu point encore me quereller ?

colinette. Qu’avais-tu besoin de t’aller confier à ce vilain Bailli ?

colas. C’est qu’y va parler pour nous.

colinette.. Qu’avais-tu besoin de lui parler de cela ?

colas. J’te l’dis, y m’a promis d’prendre nos intérêts ; et pis c’est que c’est un homme qu’a la langue ben pendue, va.

colinette. Je te dis moi qu’il ne faut point s’y fier. Il faut que tu lui parles toi-même, ou ne plus songer à notre mariage ; mais voyez un peu quelle confiance !

colas. Pardine j’ons ben du guignon ! Je n’puis jamais t’contenter ; ne vois-tu pas qu’c’est un service que voulions me rendre M. l’Bailli ?

colinette. Et moi je ne veux pas que tu lui ayes cette obligation.

colas. J’n’oserai jamais l’y en parler.

colinette. As-tu peur qu’il te mange ? Fi donc ! tu n’as pas plus de courage qu’une poule.

colas. Allons, je vas prendre ma résolution et aller l’y parler, coûte qui coûte, mais comment que j’dirai ?

colinette. Il faut premièrement demander à lui parler, et s’il n’est pas occupé, tu te feras introduire, tu le salueras, et tu lui diras : Monsieur, j’ai pris la liberté de vous troubler