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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Pour moi qui l’ai chéri, qui le regrette encor,
L’asile qui me fit retrouver l’âge d’or,
Je ne le vois jamais que je ne me rappelle
De mes premiers printemps l’époque la plus belle.
Aussi, toutes les fois que je descends le mont
Qui déroule à mes yeux un immense horizon,
Où cent tableaux divers grandissent sur la scène,
Ce qui d’abord me fixe et sans cesse m’entraîne,
Ce n’est pas tant le fleuve avec son noble cours,
La cité florissante avec ses alentours ;
Mais c’est le seul aspect de l’aimable retraite
Où le bonheur est pur, l’allégresse parfaite.
Un charme inexprimable a ressaisi mon cœur,
Je demeure pensif, je rêve le bonheur…
Et cédant au transport de mon âme attendrie
À cette perspective, aussitôt je m’écrie :
Ils sont encor debout ces antiques ormeaux,
Témoins de mes plaisirs, de mes jours les plus beaux !
Quand tout change autour d’eux, seuls ils bravent l’orage,
Le temps qui les respecte embellit leur feuillage !
Chacun d’eux me retrace un touchant souvenir,
M’offre une jouissance et rappelle un plaisir…
Et malgré les revers d’une vie orageuse,
Je revis tout entier à cette époque heureuse.
Là, comme Télémaque, à leur ombrage assis,
D’un sage précepteur, nouveau Termosiris,
Je recueillais en paix les leçons de sagesse,
Qu’il voulait inculquer à ma frêle jeunesse.
Ici, de mes amis je goûtais l’entretien ;
Mes peines, mes plaisirs s’épanchaient dans leur sein.
Le temps qui s’est enfui depuis à tire-d’ailes,
Ne les a point changés — ils sont toujours fidèles.
Tantôt, me retrouvant sous ces autres noyers,
Avec mes livres seuls, seul avec mes pensers,
J’y variais l’attrait que donne la lecture,
Du spectacle riant de la belle nature.
Je l’avais sous les yeux… de la cime des monts
Déployant à mes pieds des plaines, des vallons.
Là Cérès balançait ses gerbes ondoyantes
Que redorait Phébus à ses ardeurs brûlantes.
Ici, des moissonneurs abattaient sous leur faulx
L’herbe mûre des prés destinée aux troupeaux.