Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
171
LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

personne sourde, muette et aveugle. Ils chantèrent leurs chansons de félicitation et de triomphe, et la voix forte du vieux Talasco grossit le chorus. Françoise marchait d’un pas ferme ; elle ne pâlissait point ; mais elle avait les yeux abattus, et ses traits étaient fixes comme ceux d’une personne morte. Une fois, pourtant, comme elle passait devant la cabane de sa mère, son âme sembla être émue par quelques souvenirs de son enfance ; car on lui vit les yeux mouillés de larmes. La procession gagna le gazon, lieu qui, dans chaque village, est destiné à la tenue des conseils et aux amusements. Les sauvages formèrent un cercle autour du vieux chêne ; les vieillards s’assirent ; les jeunes gens se tinrent respectueusement hors du cercle. Talasco se leva, tira de son sein un rouleau, et coupant la corde qui l’attachait, il le laissa tomber à terre : « Frères et fils, dit-il, voyez les chevelures des outaouais chrétiens ; leurs corps pourrissent sur les sables de St. Louis. Qu’ainsi périssent tous les ennemis des iroquois ! Mes frères, voyez mon enfant, le dernier rejeton de la maison de Talasco ; je l’ai arrachée du sol étranger où nos ennemis l’avaient plantée ; elle sera replacée dans la plus chaude vallée de notre pays, si elle consent à épouser le jeune chef Allewemi, et abjure ce signe ; » et il toucha en même temps, de la pointe de son couteau, le crucifix qui pendait au cou de Françoise. Il s’arrêta un moment ; Françoise ne leva pas les yeux, et il ajouta d’une voix de tonnerre : « Écoute, enfant : si tu ne te rallies point à ta nation ; si tu n’abjures point ce signe qui te fait connaître pour l’esclave des chrétiens, je te sacrifierai, comme je l’ai juré avant d’aller au combat, je te sacrifierai au dieu Aréouski. La vie et la mort sont devant toi : parle. »

« Non, dit l’un des sauvages ; le tendre bourgeon ne doit pas être si précipitamment condamné au feu. Attends jusqu’au soleil du matin : souffre que ta fille soit conduite à la cabane de Genanhatenna ; la voix de sa mère ramènera au nid le petit qui s’égare. »