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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

jamais sans quelque épithète qui exprime l’affection ou la piété. Si Rosalie était comme le tournesol, qui ne vit que pour rendre hommage à un seul objet, Françoise ressemblait à une plante qui étend ses fleurs de tous côtés, et fait part de ses parfums à tous ceux qui s’en approchent. Le Père Mesnard dit qu’elle ne pouvait pas prier en tout temps ; qu’elle aimait à se promener dans les bois, à s’asseoir au bord d’une cascade, à chanter une chanson de son pays natal, etc. Elle évitait toute rencontre avec les outaouais, parce qu’ils étaient les ennemis de ses compatriotes. Le P. Mesnard se plaint qu’elle omettait quelquefois ses exercices de piété ; mais il ajoute qu’elle ne manquait jamais aux devoirs de la bienfaisance.

Un jour que le P. Mesnard était aux Cèdres pour une affaire de religion, Françoise entra en hâte dans la cabane. Rosalie était à genoux devant un crucifix. Elle se leva en voyant entrer sa sœur, et lui demanda, d’un ton de reproche, où elle avait été courir ? Françoise lui répondit qu’elle venait des sycomores, chercher des plantes, pour teindre les plumes des souliers de noces de Julie.

« Tu t’occupes trop de noces, répondit Rosalie, pour une personne qui ne doit penser qu’à un mariage céleste. » « Je ne suis pas encore religieuse, répartit Françoise. Mais, Rosalie, ce n’était pas des noces que je m’occupais : comme je revenais par le bois, j’ai entendu des gens parler ; nos noms ont été prononcés ; non pas nos noms de baptême, mais ceux que nous portions à Onnontagué. » « Sûrement, tu n’as pas osé t’arrêter pour écouter, » s’écria sa sœur. « Je n’ai pu m’en empêcher, Rosalie, c’était la voix de notre mère. »

Des pas qui s’approchaient en ce moment, firent tressaillir les jeunes filles : elles regardèrent et virent leur mère, Genanhatenna, tout près d’elles. Rosalie tomba à genoux devant le crucifix ; Françoise courut vers sa mère, dans le ravissement d’une joie naturelle. Genanhatenna, après avoir regardé ses enfants en silence, pendant quelques ins-