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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Sulpice. Le dessein courageux et difficile de propager la religion chrétienne parmi les sauvages du Canada, paraît s’être emparé de bonne heure de son esprit, et lui avoir inspiré l’ardeur d’un apôtre et la résolution d’un martyr. Il vint en Amérique sous les auspices de madame de Bullion, qui, quelques années auparavant, avait fondé l’Hôtel-Dieu de Montréal. De son aveu et avec son aide, il s’établit à un village d’outaouais, sur les bords du lac St. Louis, au confluent de la Grande Rivière et du fleuve St. Laurent. Ses pieux efforts gagnèrent quelques sauvages au christianisme et aux habitudes de la vie civilisée ; et il persuada à d’autres de lui amener leurs enfants, pour être façonnés à un joug qu’ils n’étaient pas en état de porter eux-mêmes.

Un jour, un chef des outaouais amena au P. Mesnard deux jeunes filles qu’il avait enlevées aux iroquois, nation puissante et fière, jalouse des empiétements des français, et résolue de chasser de son territoire tous ceux qui faisaient profession d’enseigner ou de pratiquer la religion catholique. Le chef outaouais présenta les jeunes filles au Père en lui disant : « Ce sont les enfants de mon ennemi, de Talasco, le plus puissant chef des iroquois, l’aigle de sa tribu ; il déteste les chrétiens : fais des chrétiennes de ses deux filles, et je serai vengé. » C’était la seule vengeance à laquelle le bon Père eût voulu prendre part. Il adopta les jeunes filles au nom de l’église St. Joseph, à qui il les consacra, se proposant, lorsqu’elles seraient parvenues à l’âge de faire des vœux volontaires, de les leur faire prendre parmi les religieuses de l’Hôtel-Dieu. Elles furent baptisées sous les noms de Rosalie et de Françoise. Elles vécurent dans la cabane du P. Mesnard, et y furent soigneusement accoutumées aux prières et aux pénitences de l’Église. Rosalie était naturellement dévote ; le Père rapporte plusieurs exemples étonnants de ses mortifications volontaires : il loue la piété de Rosalie avec l’exaltation d’un véritable enfant de l’Église ; cependant, la religion à part, il semble avoir eu plus de tendresse pour Françoise, qu’il ne nomme