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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

rocher, sans éprouver plus de crainte que l’oiseau sauvage qui vole au-dessus et dont les cris seuls rompent le silence de cette solitude. Ayant atteint le bord du lac, il marcha quelque temps le long de l’eau, jusqu’à ce qu’ayant passé une pointe de roche, il arriva à un endroit qui lui parut avoir été fait par la nature pour un lieu de refuge. C’était un petit espace de terre, en forme d’amphithéâtre, presqu’entièrement entouré par des rochers, qui saillant hardiment sur le lac, à l’extrémité du demi-cercle, semblaient y étendre leurs formes gigantesques pour protéger ce temple de la nature. Le terrain était probablement inondé après les vents d’est, car il était mou et marécageux ; et parmi les plantes sauvages qui le couvraient, il y avait des fleurs aquatiques. Le lac avait autrefois baigné ici, comme ailleurs, la base des rochers ; elle était quelquefois douce et polie, quelquefois rude et hérissée de pointes. L’attention de Bouchard fut attirée par des groseilliers qui s’étaient fait jour à travers les crevasses des rochers, et qui par leurs feuilles vertes et leurs fruits de couleur de pourpre, semblaient couronner d’une guirlande le front chauve du précipice. Ce fruit est un de ceux que produisent naturellement les déserts de l’Amérique du Nord, et sans doute il parut aussi tentatif à Bouchard que l’auraient pu, dans les heureuses vallées de la France, les plus délicieux fruits des Hespérides. En cherchant l’accès le plus facile à ces groseilles, il découvrit dans les rochers, une petite cavité, qui ressemblait tellement à un hamac, qu’il semblait que l’art s’était joint à la nature pour la former. Elle avait probablement procuré un lieu de repos au chasseur ou au pêcheur sauvage, car elle était jonchée de feuilles sèches, de manière à procurer une couche délicieuse à un homme accoutumé depuis plusieurs mois à dormir sur une couverture de laine étendue sur la terre nue. Après avoir cueilli les fruits, Bouchard se retira dans la grotte et oublia, pour un temps, qu’il était séparé de son pays par de vastes forêts et une immense solitude. Il écouta les sons harmonieux des vagues