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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Et bientôt sont formés la succulente andouille,
Le boudin lisse et gras, le saucisson friand,
Et plusieurs mêts exquis, savourés du gourmand.
Ainsi le bon pourceau change pour notre usage,
Et ses pieds en gelée, et sa tête en fromage.
On taille, on coupe, on hache, et des hachis poivrés
Sortent les cervelats, et les gâteaux marbrés.
L’un remplit les boyaux, l’autre enfle les vessies ;
On partage, on suspend les entrailles farcies ;
Un lard épais et blanc étale ses rayons ;
Ici brille la hure, et plus loin les jambons ;
Et là se met à part la côtelette plate,
Qu’un sel conservateur rendra plus délicate ;
Tous les morceaux enfin, même le plus petit,
Sont rangés avec art et flattent l’appétit.
La famille aussitôt borde la table ronde,
Et du Dieu qui fait tout, bénit la main féconde.
Prodigue sans excès, un nectar généreux
Passe du père au fils et les rend plus joyeux.
Chaque enfant à l’envie dépèce sa grillade :
L’hypocrite matou médite une escalade,
Et d’un œil bien fixé, contemple en miaulant,
Des boudins suspendus l’appareil attrayant.
Tandis que Hanidor, vigilant et fidèle,
Dévore le morceau qu’on devait à son zèle.

Cependant la famille a préparé ses dons,
Dons sincères, dons purs. Riche, lis ces leçons !
Gaîment on court à table, on en sort avec joie ;
On porte au pauvre honnête un morceau de sa proie ;
Obliger est tout dire — ah ! si l’homme est content,
C’est alors que son cœur se fond dans un présent.

Ainsi ces francs colons s’obligent l’un et l’autre ;
Tel est le vœu sacré de leur premier apôtre :
« Mes enfants, aimez-vous, et vous serez heureux,
« L’union fait la force, et nous rend généreux ;
« La plus belle vertu, la charité chrétienne,
« Est celle que Dieu prêche, et qu’il faut qu’on obtienne. »
De famille en famille on voit les mêmes traits,
La même bonne humeur, et les mêmes bienfaits,
Et dans ce pays libre une vertu commune
De mille humbles maisons paraît n’en former qu’une.