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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.



Déjà le froid Décembre a blanchi la chaumière ;
Du flambeau de la nuit, la jalouse lumière
S’élance sur la neige, attaque ses flocons
Et joint à leur éclat l’éclat de ses rayons.
D’une double blancheur l’élégante parure
Change la nuit en jour, embellit la nature,
Et montre les défauts du rimeur babillard
Qui dans ses vers malins peint l’hiver en vieillard.

Cependant l’homme heureux, le villageois modeste,
Au coin de son foyer, près d’une table agreste,
Redit à ses enfants : « C’est demain, oui, demain
« Que le pourceau choisi grognera sous ma main ;
« Oui, Pierrot, oui, Colas ; oui, Nanon, oui, Marie,
« C’est demain ; » à ces mots, la famille ravie,
Pierrot, Colas, Nanon joignent les sauts aux cris ;
Et Marie au berceau dort au milieu des ris.

Du plus léger sommeil on a compté les heures :
L’aurore brille enfin sur ces humbles demeures ;
L’enfant au chant du coq joint sa perçante voix,
Et déjà tout s’agite et s’apprête à la fois.

Bientôt l’homme des champs amène la victime ;
Aux cris de l’animal, on s’empresse, on s’anime :
La mère avec transports rôde de tous côtés,
Polit la table ronde et le vase argenté,
Tandis qu’en son fauteuil la bonne aïeule assise,
Prête l’oreille au bruit du couteau qui s’aiguise,
Et sourit aux enfants qui célébrant leur jeu,
D’un bûcher mal construit alimentent le feu.
Dix jeunes marcassins, au groin assez agile,
S’avancent, sont chassés, reviennent à la file,
Et par les sons aigus de leur gémissement,
Semblent se lamenter du sort de leur parent.
Soudain le villageois frappe la bête impure ;
Le sang, à bouillons noirs, ruisselle de sa hure,
Découle dans le vase, et suivant les apprêts,
Sous des doigts ménagers forme d’excellents mêts,
Qui mêlés avec art rehaussent la gogaille.
La victime s’étend sur le bûcher de paille,
Sur son corps l’eau bouillante est versée à grands seaux ;
Les plus légères mains font glisser les couteaux
Qui du grognon défunt enlèvent la dépouille ;