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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Oyez parler Toinon, oyez parler Beausire,
Et, si vous le pouvez, abstenez-vous de rire.
Un soir, la nappe ôtée, et le repas fini,
De convives instruits un cercle réuni,
Après mainte chanson, mainte plaisanterie,
Parle des écrivains et de la librairie.
Chacun prône, défend son auteur favori ;
L’un est pour Massillon, et l’autre pour Maury ;
L’un exalte Rousseau, l’autre exalte Voltaire ;
« Le plus beau des auteurs, c’est bien le Formulaire, »
S’écrie un ignorant, croyant être applaudi.
Le cercle, du bon mot, tout d’abord étourdi,
Se regarde, sourit, puis éclate de rire.
Si l’on en croit Rousseau, l’erreur est encor pire
Que l’ignorance. Soit : mais l’erreur est le fruit,
Le triste rejeton, le malheureux produit,
De la présomption unie à l’ignorance ;
Et de cette union naît encor l’impudence.
L’ignorant est peureux ; l’abusé, confiant ;
L’un hésite, incertain, et l’autre se méprend :
J’ignore où le danger gît, craintif, je m’arrête ;
Je le suppose ailleurs, follement je m’y jette.
Mais voyons pis encor que la présomption :
L’ignorance produit la superstition ;
Monstre informe, hideux, horrible, détestable ;
Pour l’homme instruit néant, mais être formidable
Pour l’ignorant, surtout, pour notre agriculteur ;
De plus d’un accident inconcevable auteur ;
Chaos, confusion de notions bizarres,
Roulant, s’accumulant dans des cerveaux ignares,
D’où naissent, tour à tour, mille fantômes vains,
Revenans, loups-garous, sylphes, sabbats, lutins :
Les nécromanciens, les sorts, l’astrologie,
Le pouvoir des esprits, des sorciers, la magie,
Et mille autres erreurs dont le cerveau troublé
Du superstitieux croit le monde peuplé.
Pour le peuple ignorant, l’orage, le tonnerre,
Les tourbillons de vent, les tremblements de terre,
Tout est miraculeux, tout est surnaturel.
Heureux, encore heureux, si Dieu, si l’Éternel
Est cru l’auteur puissant des effets qu’il admire,
Ou leur cause première ; et si, dans son délire,