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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


On recourt ; mais voyant tous leurs soins superflus,
Ils déclarent, tout net, qu’ils ne soigneront plus ;
Proclament que le mal provient de maléfice ;
Accusent des sorciers l’envie et la malice,
Et, sans les secourir, laissent mourir les gens.
Vit-on des médecins, ailleurs, plus ignorants ?
Non, certes ! mais, sans faire aucun pas rétrograde,
Quelque part, on a vu maint ignorant malade,
Qui, voyant dans son mal un ordre exprès des Cieux,
Et dans les soins de l’art un grand péché contre eux,
Fuyait tout médecin, refusait tout remède.
Mais Dieu dit : « Aide-toi, si tu veux que je t’aide ; »
Et, se laisser mourir, quand on peut l’empêcher,
Ce n’est pas plaire au Ciel, c’est contre lui pécher.
Loin de moi, cependant, le dessein téméraire
De voir tout du même œil : l’ignorant volontaire
De l’ignorant par sort doit être distingué,
Et seul, sur son état, vertement harangué.
L’ignorant volontaire est toujours méprisable.
Pourtant, le temps n’est plus, où, chose inexplicable,
Un noble campagnard paraissait dédaigner
L’art de lire, était fier de ne savoir signer.
Mais est-il suffisant de ne faire un droit-lige
De l’ignorance ? Non, il faut qu’on s’en afflige.
Ignorer de son choix est un tort important :
Qu’est-ce, alors, l’ignorance, ou plutôt l’ignorant ?
L’ignorant est celui qui put, dans son enfance,
Apprendre, mais, par goût, manqua de diligence ;
Qui, pouvant être utile à ses concitoyens,
De les servir un jour négligea les moyens.
L’ignorant, quel qu’il soit, est un homme coupable,
S’il se charge d’un soin dont il n’est pas capable.
Qui croirait qu’on a vu plus d’un représentant,
Par la foule porté dans notre parlement,
Ignare jusqu’au point de ne savoir pas lire,
Et de la main d’autrui se servir pour écrire ?
« À la chambre, » dit-on, « si tous savaient parler,
Ils ne finiraient plus. » Mais, s’il faut leur souffler
Oui, non, n’est-ce pas chose et honteuse et nuisible ?
Quelquefois, l’ignorant ne se rend que risible ;
Surtout, quand, par son or ayant fait quelque bruit,
Il commence à vouloir trancher de l’homme instruit.