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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Un bâton à la main, et le corps en avant,
Richegris semble fuir et voler en marchant :
Quoiqu’il ait cinquante ans, s’il n’en a pas soixante,
Et qu’il possède au moins vingt mille écus de rente,
Il n’est ni vieux ni riche assez pour épouser ;
Il veut encor vieillir, encor thésauriser.
La toilette est coûteuse, et la vie est trop chère,
Si Richegris épouse, il mourra de misère.

Tel, avec de grands biens, ne sait trouver comment
Lire, se promener, s’égayer un moment.
De madame Dribot racontons l’infortune :
Trente mille louis composent sa fortune ;
À balayer, frotter, trotter en sa maison,
Elle passe son temps. Si la peur du démon
Lui fait donner parfois quelque chose à l’église,
Elle refuse tout pour la noble entreprise
De son compatriote industrieux, savant.
Ce n’est pas, à l’ouïr, qu’elle tienne à l’argent ;
Mais du matin au soir attachée à l’ouvrage,
À peine de dormir a-t-elle le courage.
Malheureuse, inquiète, on conçoit l’embarras
Où la mettent ces biens, dont elle ne fait cas.
Si vous en avez trop, qu’une noble dépense
Vous délivre à propos de votre dépendance.

Aliboron ne voit, ne connaît que l’argent
De bon, de précieux, d’estimable, de grand :
Les lettres, les beaux arts, les talents, le génie,
Ne sont rien à ses yeux que fadaise et folie.

Je pourrais te citer vingt exemples frappants
D’avares citadins ; mais parcourons les champs :
Ce vice, dès longtemps, peu satisfait des villes,
Est allé dans les champs chercher d’autres asiles.

Tel est riche en biens-fonds, et n’a qu’un seul enfant :
Pour un écu par mois, ou six piastres par an,
Assez pour son état il peut le faire instruire ;
Mais son curé n’a pu, jusqu’à présent, l’induire
Ni par sages discours, ni par graves raisons,
Ni par avis privés, ni par communs sermons,
À faire pour son sang ce léger sacrifice :
Dominé, maîtrisé par sa rustre avarice,