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heure, avait élevé son neveu Antoine, dont les parents étaient morts tragiquement dans un accident de chemin de fer. La pauvre Mme Bruvannes était restée épouvantée à jamais de ce funeste événement. Elle vivait, au sujet de son neveu, en des transes perpétuelles. Antoine était surveillé étroitement. S’échauffait-il, courait-il, elle le voyait déjà atteint de quelque grave refroidissement ; aussi le valet de pied de confiance qui accompagnait Antoine apportait-il avec lui tout un assortiment de manteaux et de châles. Il avait ordre de ne pas le perdre un instant de vue. La voiture qui amenait Antoine aux Tuileries et qui l’attendait toute la journée pour le ramener chez lui contenait dans ses coffres une pharmacie complète et des vêtements de rechange pour le cas où Antoine fût tombé dans le bassin. Bref, Mme Bruvannes multipliait les précautions de toutes sortes. Certes, ma mère me gâtait fort, mais Mme Bruvannes la dépassait de beaucoup. Mme Bruvannes ne vivait que pour cet enfant à qui devaient revenir un jour la grande fortune de sa tante et le bel hôtel qu’elle habitait quai Malaquais. À ce régime, Antoine Hurtin eût pu devenir insupportable ; il se contentait d’être volontaire et paresseux. La tante Bruvannes était incapable de résister sérieusement à aucune de ses fantaisies.

Ce beau système d’éducation continua, quand Antoine fut envoyé comme demi-pensionnaire au collège Saint-Hippolyte. La même voiture à deux chevaux qui le menait à la grille des Tuile-