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nieuses, elle a en elle quelque chose de vigoureux et de souple. Elle porte une robe extrêmement décolletée, d’où sortent de magnifiques épaules. Lorsqu’elle a tourné la tête, j’ai aperçu son profil net et régulier, avec un nez délicat et charnu, une bouche un peu grasse, de gourmande ou de voluptueuse, un menton d’obstinée. La voici, maintenant qui me regarde, de ses yeux bruns légèrement relevés aux coins. Son regard est audacieux et tranquille, mais il me quitte vite pour s’adresser à un jeune homme, debout à côté d’une plante verte, et à qui ma voisine, d’un signe de son éventail, indique la chaise demeurée vide auprès de la sienne. Derrière moi, deux messieurs murmurent le nom de cette jeune femme : c’est Mme de Jersainville.

Je l’ai considérée avec plus d’attention. J’ai entendu, plus d’une fois, Jacques de Bergy parler de Mme de Jersainville. Son mari est parent éloigné des Bergy, et Jacques m’a raconté certaines anecdotes qui courent sur son arrière-cousine. Elles sont plus à l’avantage de son tempérament que de sa vertu. À en croire ces racontars, Mme de Jersainville serait des plus galantes. Mais que peut-on croire de ce qui se dit sur le compte d’une jeune et jolie femme, surtout si elle est quelque peu libre d’allures et de propos ? Le fait est, pourtant, que, Mme de Jersainville se laisse parler de fort près par son voisin de chaise, ce qui n’est pas sans m’agacer un peu.

Heureusement qu’un murmure de l’assistance