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-Vents, ressemble traits pour traits à une dame polonaise, une certaine comtesse Janeska, de qui Feller fut fort amoureux en sa lointaine jeunesse.

J’avoue que la toquade de ce vieux fou de Feller m’est plutôt sympathique. Qui n’a pas, dans son existence, fait quelque folie, et moi-même n’ai-je pas été sur le point de commettre la plus irréparable ? N’étais-je pas folle, quand j’ai quitté l’Amphisbène et que j’ai écrit à mon pauvre Julien la méchante lettre que nous avons déchirée, l’autre jour ? Cependant, en accomplissant ce dangereux coup de tête, je croyais agir avec la plus irréprochable sagesse. Bien plus, j’étais fière de la décision que j’avais prise et je n’étais pas loin de me considérer comme une héroïne. J’éprouvais une sorte d’allégresse stupide, à la pensée que je venais de sacrifier mon bonheur à l’amour.

Ce fut dans ce sentiment que, de Marseille, où m’avait débarquée l’Isly, je revins à Paris. Ce fut dans la même persuasion que j’allai passer le mois d’août au château de Mme  de Glockenstein et qu’en septembre je m’arrêtai à Meudon, chez les Grinderel. Vers la fin de mon séjour chez eux, je reçus une lettre de Madeleine de Jersainville, qui me rappelait ma promesse de lui rendre visite aux Guérets. J’y retrouvai avec plaisir ma belle amie. Elle était toujours la même et me paraissait décidément une créature inférieure. Quelle singulière idée elle se faisait donc de l’amour ! Quoi, elle n’y voyait rien d’autre que le plaisir d’aller se dévêtir chez un monsieur plus ou moins quelconque !