Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/313

Cette page a été validée par deux contributeurs.

arrière. Le bateau roulerait moins. Seulement, seulement, il y a un petit inconvénient, c’est qu’alors nous tournerons le dos à la Crète. Tenez, voyez vous-même, monsieur le Baron…

Le commandant avait allumé l’ampoule électrique qui éclairait la carte déployée sous le verre du pupitre. Antoine poussa une exclamation :

— La Crète, mais nous nous en foutons, monsieur Lamondon. L’essentiel est d’en finir, le plus tôt possible, avec cette balançoire. Ah ! moi, j’en ai assez, et vous aussi, n’est-ce pas, madame de Lérins ?

Un coup de vent furieux arracha presque le plaid où s’enveloppait Mme de Lérins et plaqua sur son corps la robe légère qu’elle portait. En même temps un énorme paquet d’eau coiffa l’avant de l’Amphisbène et nous aspergea de ses écumes. Je soutins Mme de Lérins. En nous voyant ainsi, Antoine eut un regard narquois et intéressé. Je devinai sa pensée. La familiarité du geste nécessité par la situation lui paraissait un indice que j’avais su profiter du désordre de cette nuit. Je pénétrais ses suppositions. J’en sentis une vive irritation, une sourde colère. L’œil ironique d’Antoine m’exaspérait. Mme de Lérins avait rattrapé le plaid et s’en enveloppait de nouveau. Il faisait clair maintenant sur la passerelle.

— Allons, je vous laisse. Il fait presque jour et je dois avoir une singulière tête. Je n’ai pas envie d’être vue en détail, même par un misogyne comme M. Hurtin.