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M. Bertin, l’avait rejoint. Nous les interrogeâmes. Le vent ne faiblissait pas et la houle éprouvait assez péniblement le bateau, qui avançait difficilement. Nous avions fait peu de chemin durant la nuit et la Crète était encore loin. Quant à la bourrasque, rien n’en annonçait la fin. Nous en étions là de nos propos, quand une ombre titubante parut sur la passerelle. C’était Antoine Hurtin.

Dans la lueur incertaine de l’aube commençante, il était verdâtre et avait une figure décomposée. Le mal de mer ne l’avait pas épargné. D’une voix furieuse il interpellait le commandant :

— Dites donc, commandant, est-ce que cela va durer longtemps, cette danse-là ? Vous savez, moi, j’en ai assez. Est-ce que l’on ne pourrait pas s’abriter quelque part et laisser passer cette chienne de bourrasque ?

Le commandant Lamondon exposa la situation. À la vitesse avec laquelle marchait l’Amphisbène, il faudrait bien une dizaine d’heures avant d’atteindre le port de Candie, car malheureusement l’état de la mer ne faisait pas mine de s’améliorer. Antoine frappait du pied rageusement tout en se cramponnant à l’épaule du second Bertin.

— Il faut tout de même trouver un moyen de sortir de là. Nous ne pouvons pas continuer à être secoués ainsi. Nous faisons un voyage d’agrément, que diable !

Le commandant se grattait la tête :

— Il y aurait bien un moyen, monsieur le Baron, ce serait de changer de route et de filer vent