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Nous sûmes bientôt que San Antonio est un des villages de l’Île. Il n’a guère d’autre intérêt que de contenir un assez beau jardin. Ce jardin est planté dans un pli de terrain qui l’abrite des vents du large. D’étroits canaux en entretiennent la fraîcheur, et les fleurs y poussent en abondance. Le dimanche, on fait là de la musique, et les habitants de La Valette s’y rendent en parties pour écouter le concert et pour se promener dans les allées. Aujourd’hui, le jardin est à peu près désert. Laure et moi y avons erré assez longtemps. Il me semble maintenant que je puis mieux lui dire ce que je ressens pour elle. Certes je suis incapable de lui peindre mon amour dans toute sa vérité, mais peut-être au moins en entrevoit-elle la profondeur ? Elle m’écoute avec attention et bienveillance, avec sérieux. Elle m’écoute lui raconter ma vie et lui dire quelle place elle y a prise, comment elle en est devenue la pensée constante, comment tout a disparu devant elle, comment tout en moi l’attendait.

On a décidé, ce soir, qu’en quittant Malte l’Amphisbène se dirigerait vers l’Île de Crète et que l’on visiterait ensuite quelques-unes des Cyclades. Antoine a fort galamment demandé à Mme  de Lérins si cet itinéraire lui convenait. Laure a acquiescé au projet.


En mer. 10 juillet. — La mer s’est calmée et je puis de nouveau reprendre le gros cahier de Neroli.