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la côte s’abaisse et s’aplatit. La montagne s’éloigne du rivage et laisse à découvert des espaces marécageux. Ce matin, nous étions devant Pestum. Antoine, un peu rasséréné, a, de lui-même, proposé à Mme  de Lérins d’aller visiter les temples. Mme  Bruvannes, les Subagny et Gernon manifestèrent l’intention de se joindre à nous, Gernon d’ailleurs sans enthousiasme. Les monuments de l’antiquité ne semblent nullement l’intéresser. Gernon est un homme de bibliothèque, un érudit en chambre.

Le canot de l’Amphisbène nous a déposés sur une grève grise et plate. Devant nous, à quelque distance, s’élèvent les Temples. Ils se détachent sur un fond de montagnes bleuâtres. Un petit chemin nous y conduit entre deux haies. Le lieu a un aspect insalubre et mélancolique. Le sol est humide ; l’air est lourd et fiévreux. Mme  Bruvannes, les Subagny, Gernon s’avancent lentement. M. et Mme Subagny marchent, abrités par le même parasol. Mme  de Lérins et moi prenons les devants. Le soleil darde ; on respire une odeur de vase sèche et d’herbes chaudes. Des papillons voltigent, des mouches bourdonnent. C’est le seul bruit de cette solitude avec, derrière nous, le sourd déferlement de la vague sur le rivage désert et malsain. À mesure que nous approchons, les temples grandissent et dressent plus haut leurs colonnes de marbre jaune. Un sentiment de majesté, de vieillesse et de désolation émane de leurs ruines énormes qui conservent encore cependant une harmonie souveraine, un aspect monumental et victorieux. Parmi les