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une sorte de réparation de sa conduite passée ? Qui sait s’il n’est pas amoureux de Mme  de Lérins et si ses confidences ne sont pas un moyen de détourner mes soupçons ? Qui sait, aussi, si ce n’est pas à cause d’Antoine que Mme  de Lérins a accepté d’entreprendre ce voyage ?

Certes, en ce moment, Antoine est malade, mais il n’en est que plus influençable. Or, Mme  de Lérins est divorcée et rien ne prouve qu’elle n’ait pas le désir de refaire sa vie, qu’elle ne songe pas à se remarier un jour et à se remarier richement ? Antoine est un beau parti. Mme  Bruvannes est fort riche, et elle approuverait sûrement qu’Antoine se décidât à se ranger et à adopter une existence régulière que nécessite son état de santé. Et lui ne proclame-t-il pas bien haut le dégoût que lui inspire la vie qu’il a menée jusqu’à présent ? Et cependant, à certains moments aussi, toutes ces méfiances me semblent superflues. La veille encore de notre départ de Sorrente, il m’a tenu des propos qui m’ont paru alors significatifs et qui ne laissent guère lui supposer les projets que je lui prête.

J’étais allé le matin dans sa cabine pour prendre de ses nouvelles, car la veille, au soir, il s’était plaint d’être très fatigué. Je l’ai trouvé encore couché, avec sa figure des mauvais jours. Il m’a longuement reparlé de sa maladie et des changements qu’elle avait produits en lui. Aussi, s’il guérissait, il comptait vivre le moins possible à Paris. Il demanderait à sa tante Bruvannes de lui acheter une propriété en Touraine ou en Normandie. Là, il mènerait une