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entre deux portes ou au fumoir, s’y rencontrent des gens qui pourraient difficilement se voir ailleurs et qui ne tiennent pas à être vus ensemble. Mme de Glockenstein est un terrain neutre, comme qui dirait une maison de rendez-vous diplomatiques.

Ma qualité d’assez jolie femme ne m’a donc pas desservie auprès de Mme de Glockenstein. Il lui faut des comparses avenantes pour les comédies internationales qui s’ébauchent sous son couvert. Aussi ai-je vu tout de suite que je plaisais à Mme de Glockenstein et qu’elle m’appréciait à ma juste valeur. Elle a jugé que je pourrais faire chez elle figure avantageuse ; elle m’a comblée d’avances et de politesses et m’a invitée à dîner pour le lendemain. Je me suis excusée en alléguant que j’étais encore à l’hôtel, que mes malles n’étaient pas défaites et que je ne commencerais ma vie mondaine qu’au printemps prochain. Néanmoins, j’avais tenu à lui venir rendre les devoirs que l’on doit à une personne de son importance. Elle m’a fort approuvée sur tous les points et nous nous sommes quittées les meilleures amies du monde, non sans qu’elle m’ait posé toutefois certaines interrogations quelque peu indiscrètes au sujet de mon divorce. J’y ai compris que Mme de Glockenstein ne s’occupe pas uniquement de questions politiques ; les questions amoureuses l’intéressent aussi et elle les aborde sous leur forme la plus physique. Elle voulait absolument savoir si notre séparation avait pour cause que nous fussions mécontents l’un de l’autre à un certain point de vue. Ces choses semblent avoir un grand prix pour Mme de Glockenstein. Elle ne m’a rien caché sur sa manière de faire l’amour, sur le plaisir qu’elle y prend. Je l’ai laissée parler, là-dessus, longuement et éloquemment, et c’est ainsi que je me suis tirée de ses indiscrétions, quoique j’eusse pu lui oppo-