Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Luzerne qui m’offrent généreusement leurs cinq tomes brochés en papier jaspé.

Nous déjeunons, en tête à tête, ma mère et moi, dans la grande salle à manger aux murs marbrés, comme les couvertures de la Luzerne. Mme  de Préjary ne paraît pas à table et on la sert dans sa chambre. Quand je ne suis pas à Clessy, ma mère déjeune avec elle. On n’ouvre la salle que pour moi. Même en hiver, elle conserve une odeur de fruits. Ma mère a auprès d’elle une petite table-servante sur laquelle sont posées les assiettes. La cuisine est excellente. La vieille Justine, parfois, apporte elle-même le plat qu’elle a particulièrement soigné et attend avec une feinte modestie les compliments que l’on ne manque pas de lui adresser. Ensuite je retourne dans la bibliothèque fumer mon cigare, tandis que ma mère va aider Mme  de Préjary à s’installer au salon.

C’est là que, mon cigare fumé, je monte saluer Mme  de Préjary. J’aime beaucoup ce salon. Il a deux fenêtres qui donnent sur la place du Marché et par lesquelles on aperçoit le gros clocher carré de l’église Saint-Étienne. Le papier de tenture est blanc à dessins dorés. Au mur, deux portraits se font face. L’un est une fort belle toile dans la manière de Largillière et représente un magistrat à grande perruque, le mortier à la main. Il est enfermé dans un horrible cadre acheté chez le miroitier. L’autre est l’œuvre d’un barbouilleur quelconque et montre l’effigie d’un militaire, en perruque aussi et en cuirasse, mais il est entouré d’un admi-