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ARI

conquérant de négliger ainsi la gloire pour l’amour ; que l’amour n’était bon que pour les bêtes, et que l’homme esclave de l’amour méritait d’être envoyé paitre comme elles. Une telle remontrance, autorisée sans doute par les mœurs du temps jadis, qui étaient bien différentes des nôtres, fit impression sur le monarque, et il se décida, pour apaiser les murmures de son armée, à ne plus aller chez sa maîtresse ; mais il n’eut pas le courage de défendre qu’elle vînt chez lui. Elle accourut tout éplorée pour savoir la cause de son délaissement, et elle apprit ce qu’avait fait Aristote. « Eh quoi ! s’écria-t-elle, le seigneur Aristote a de l’humeur contre le penchant le plus naturel et le plus doux ? Il vous conseille d’exterminer par la guerre des gens qui ne vous ont fait aucun mal, et il vous blâme d’aimer qui vous aime ! C’est une déraison complète, c’est une impertinence inouïe qui réclame une punition exemplaire, et, si vous voulez bien le permettre, je me charge de la lui infliger. » Son amant ne s’opposa point à ses projets, et dès ce moment elle mit tout en œuvre pour séduire le philosophe. Ce que veut une belle est écrit dans les cieux, et l’égide de la sagesse ne met pas à couvert de ses traits vainqueurs. Le vieux censeur des plaisirs l’apprit à ses dépens. Son cœur, surpris par les galanteries les plus adroites, se révolta contre, sa morale. Vainement il crut l’apaiser en recourant à l’étude et en se rappelant toutes les leçons de Platon : une image charmante venait sans cesse se placer devant ses yeux et détournait vers elle seule toutes les méditations auxquelles il se livrait. Enfin il reconnut que l’étude et Platon ne sauraient le défendre contre une passion si impérieuse, et son esprit subtil lui révéla que le meilleur moyen de la vaincre était d’y succomber. Dès l’instant il laissa là tous les livres et ne songea qu’aux moyens d’avoir un entretien secret avec la jeune Indienne. Un jour qu’elle fesait une promenade solitaire dans le jardin du palais impérial, il accourut auprès d’elle, et à peine l’eut-il abordée qu’il se jeta à ses pieds, en lui adressant une pathétique déclaration. L’enchanteresse feignit de ne pas y croire pour se la faire répéter. Cette manière de prolonger les jouissances de l’a-