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VIE

Vie courte et bonne.

On dit presque toujours courte et bonne, en sous-entendant vie. — C’est le mot des amis de la joie, pour signifier qu’ils ne tiennent pas à se ménager une longue existence en renonçant à l’abus des plaisirs. Ce mot obtint une célébrité historique à l’époque de la Régence, par la répétition fréquente qu’en fesait la duchesse de Berry, fille du Régent, princesse aimable et spirituelle, qui fut servie à souhait et moissonnée à la fleur de l’âge.

Les voluptueux de Rome avaient adopté pour devise le vers suivant d’une traduction qu’avait faite Cécilius de la comédie de Ménandre, intitulée Hymnis.

Mihi sex menses satis sunt vitæ : septimum orco spondeo.

Ce que Regnier-Desmarais a rendu ainsi :

Donnez-moi six mois de plaisir :
Je donne à Pluton le septième.

Saint Chrysostome rapporte, dans sa lxxive homélie, un proverbe grec très analogue, que Novarinus a traduit ainsi en latin dans son recueil : Adsit suave quiddam et jucundum, et suffocet me ! Vienne quelque chose de doux et de délicieux, et que j’en sois suffoqué !

Les Allemands disent dans le même sens : Ein gutes Mahl und dann der Galgen ! Un bon dîner, et la potence !

Que Bacchus, la table ont d’appas !
A Paphos, Vénus, tu m’entraînes !
Oh ! ne m’attachez point aux mâts,
Si j’entends chanter les Sirènes !

(Ducis.)

Au dicton, courte et bonne, les gens sensés répondent par cette remarque qui en est le corollaire : C’est la vie du cochon.

Ce sacrifice de l’avenir au présent, est un calcul faux et funeste. Écoutons Bossuet : « Quelle honte, s’écrie-t-il, quelle infamie, quelle ruine dans les fortunes, quels déréglements dans les esprits, quelles infirmités dans les corps n’ont pas été introduites par l’amour désordonné des plaisirs !… Les

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