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langueyer. — Pour savoir le secret d’un maître, il faut langueyer les valets.

C’est-à-dire, il faut faire parler les valets, parce qu’il est difficile qu’un maître ait quelque chose de caché pour ses valets. Quand les croisés voulurent élire le premier roi de Jérusalem, ils langueyèrent les valets de chaque prétendant, et, après cette enquête, ils nommèrent Godefroy de Bouillon que le témoignage de ses serviteurs leur fit regarder comme le plus digne de la couronne. — Le verbe langueyer n’est plus usité que dans ce proverbe, et c’est dommage, car il faut recourir à une périphrase pour en exprimer la signification.

lanterne. — Prendre des vessies pour des lanternes.

Les Italiens disent : Prendere lucciole per lanterne. Prendre les vers luisants pour des lanternes.

Martial a fait une épigramme, qui est la 62e de son xive livre et est intitulée : Lanterna ex vesicâ, la lanterne de vessie. Il y fait parler ainsi cette lanterne :

Cornea si non sum, numquid sum fuscior ? aut me
Vesicam contra qui venit esse putat ?

Pour n’être pas de corne en suis-je moins brillante ? Et celui qui vient vers moi me prend-il pour une vessie ?

Si le proverbe ne vient pas de là, j’avoue que j’ignore absolument sa route. Cependant prendre des vessies pour des lanternes, c’est se tromper lourdement, d’après le sens du proverbe ; tandis que, d’après le sens de l’épigramme, il y aurait erreur de ne pas prendre la vessie pour une lanterne.

Ce proverbe a fourni au marquis de Bièvre un de ses plus jolis calembourgs. Un jour qu’on parlait dans une société du chirurgien Daran, inventeur des sondes en gomme élastique dites bougies, qu’on introduit dans le canal de l’urètre, une dame lui demanda : Quel est donc ce Daran dont il est si souvent question ? — Madame, répond-il, c’est un homme qui prend des vessies pour des lanternes.