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sion de prendre un verre d’eau ou de vin, auquel ils ajoutèrent, bientôt après, un petit morceau de pain, afin que leur santé ne fût point altérée pour avoir bu sans manger, frustulum panis ne potus noceat, comme dit la règle des chartreux. Ce simple rafraîchissement des jours de jeûne ayant passé des monastères dans le monde, et s’étant accru de quelques friandises à mesure qu’on avança l’heure du dîner[1], finit par devenir beaucoup plus considérable que l’unique réfection qu’il était autrefois permis de prendre ces jours-là, et voilà comment l’acception ascétique du mot collation se perdit dans une acception gastronomique.

jeune. — Si jeune savait et vieux pouvait, jamais disette n’y aurait.

Ce proverbe doit être fort ancien dans notre langue. L’abbé Suger rapporte qu’on entendit souvent Louis VI, sur la fin de sa vie, se plaindre du malheur de la condition humaine qui réunit rarement le savoir et le pouvoir.

Ceux à qui Dieu veut du bien meurent jeunes.

Proverbe fondé sur l’opinion des philosophes qui comptaient la mort au nombre des biens. Il rappelle l’aventure de Cléobis et Biton, jeunes Argiens, cités par Solon à Crésus comme parfaitement heureux. Revenant vainqueurs des jeux olympiques, ils arrivèrent chez leur mère Cydippe au moment où elle devait se rendre, sur un char traîné par des bœufs, au temple de Junon, dont elle était la prêtresse. L’heure pressait, et les bœufs n’étaient pas là. Les deux frères s’attelèrent au char et conduisirent leur mère, qui les bénit et pria Junon d’accorder à leur piété filiale la récompense qu’elle jugerait la meilleure. Après la cérémonie, ils soupèrent avec Cydippe, s’endormirent d’un profond sommeil, et, le lendemain, ils furent trouvés morts dans leur lit.

Ce proverbe est réfuté par un raisonnement de Sapho, qu’Aristote nous a conservé dans sa Rhétorique (liv. ii, ch. 23) : La

  1. Le dîner fut avancé jusqu’à neuf heures, même jusqu’à huit heures du matin, à ce que nous apprend Montaigne.