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croît que dans des terres fertiles, on a donné le nom de Cocagne à ce pays, où il est d’un très grand revenu, et par extension à tout pays où règnent l’abondance et la bonne chère.

On lit dans l’ouvrage de Chaptal, de la Chimie appliquée à l’agriculture (tome 2, page 352), le passage suivant, qui semble confirmer l’opinion de Furetière : « Avant la découverte de l’indigo, qui ne commença à paraître en Europe que dans les premières années du dix-septième siècle, les environs de Toulouse et surtout le Lauraguais, fournissaient une énorme quantité de pastel. Les coques de pastel qu’on y préparait jouissaient de la première réputation en Europe. Ce pays était devenu si riche, qu’on l’a appelé pays de Cocagne, du nom de son industrie. Cette dénomination a passé en proverbe pour désigner un pays riche et très fertile.

« Deux cent mille balles de coques étaient exportées, chaque année, par le seul port de Bordeaux. Les étrangers en éprouvaient un si pressant besoin que, pendant les guerres que nous avions à soutenir, il était constamment convenu que ce commerce serait libre et protégé, et que les vaisseaux étrangers arriveraient désarmés dans nos ports pour y venir chercher ce produit. Les établissements de Toulouse ont été fondés par des fabricants de pastel. Lorsqu’il fallut assurer la rançon de François Ier, prisonnier en Espagne, Charles-Quint exigea que le riche Béruni, fabricant de coques, servît de caution. »

3o Aucune des étymologies qu’on vient de lire n’est admissible, car elles se fondent toutes sur des faits qui sont moins anciens que le mot Cocagne, dont, par conséquent, ils ne peuvent avoir été la source. Je crois que Cocagne, autrefois Cokaigne, Coquaigne, ou Cokaine, est dérivé du latin coquina, cuisine, bonne chère. Cette opinion me paraît confirmée par ce qu’a dit le savant Hickes, en traçant l’origine du mot anglais Cockney : « Coquin, coquine, olim apud gallos, otio, gulæ et ventri deditos, ignavum, ignavam, desidiosum, desidiosam, segnem significabant. Hinc urbanos utpote a rusticis laboribus ad vitam sedentariam et quasi desidiosam avocatos pagani nostri olim Cokaignes, quod nunc scribitur Cockneys,