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et une cinquième au beau milieu, pour le profit des chantres qui assisteraient au service.

Quelques partisans de ces cérémonies d’ivrognes cherchèrent dans le temps à les autoriser par des passages tirés de l’Écriture sainte ; mais il faut reconnaître que la discipline ecclésiastique ne cessa point de s’opposer à de pareils abus.

Puisque le vin est tiré, il faut le boire.

C’est-à-dire, puisque l’affaire est engagée, il faut la poursuivre, il faut en courir les risques. Proverbe originairement employé comme une formule de défi entre des convives qui se piquaient de boire d’autant, ou à qui mieux mieux, et qui entendaient par là que ceux qu’ils provoquaient leur fissent raison eux-mêmes, au lieu de se faire suppléer par des champions bachiques buvant en sous-ordre ; car il était quelquefois permis dans les anciennes orgies, comme dans les anciens duels, de recourir à des combattants substitués.

Cette guerre d’ivrognes, à laquelle se plaisaient beaucoup nos bons aïeux, a été décrite avec des particularités curieuses par quelques érudits de la fin du moyen âge qui en font remonter l’origine aux temps les plus reculés. Suivant eux, il n’y a pas eu de grand peuple qui n’ait fait éclater pour elle un vif et durable enthousiasme, depuis l’époque où le patriarche Noé trouva l’heureux secret de multiplier les raisins et d’en exprimer le jus. Les Hébreux, les Babyloniens, les Grecs et les Romains la regardèrent toujours comme une affaire importante et glorieuse. Mais il faut croire qu’elle fut en plus grand honneur chez les Perses, si l’on en juge par le trait de Cyrus-le-Jeune, qui prétendait fonder sur les succès qu’il y avait obtenus des titres suffisants pour être nommé roi à la place de son frère Artaxerxès-Mnémon, qu’il taxait d’être mauvais buveur. Il se croyait plus recommandable par ce singulier avantage que par tout autre, à l’exemple de Darius Ier qui, en mourant, avait ordonné de graver sur son tombeau : J’ai pu boire beaucoup de vin et le bien porter. Tant il est vrai que la vanité humaine s’attache moins à une vertu commune qu’à un vice extraordinaire !