nos genoux sous nos poitrails. Pour nous mieux reposer, plions, ramassons nos croupes de rochers. Mettons, déroulons aux quatre vents nos colliers de femmes ; avec nos griffes, délions nos bandelettes sur nos visages de sibylles.
Jusqu’à cette heure, échevelés, nous avons couru
sans pouvoir trouver d’abri. L’éternité nous
avait pris dès sa naissance, pour messager :
holà ! Beau messager, au sein de femme, va
porter, sans t’arrêter, cette nouvelle
jusqu’au bout de mon royaume. -le bout de votre
royaume est loin ; on ne trouve en chemin ni
ombre, ni herbe de pâture, ni pan de mur pour
s’asseoir ; que me donnerez-vous ? -pour
dais, sur ta tête, mon ciel vide ; sous ta
griffe, mon chaos ; pour repaire, mon noir
abîme.
Mais Thèbes, qui m’a rencontré, m’a bâti un toit
de temple, et m’a fait ma bauge dans le roc
de Carnac. Tous les cent ans, si j’ai faim,
je ronge les feuilles d’acanthe, de dattier
et de grenadier qu’elle a taillées pour moi
aux chapiteaux de ses colonnes ; si j’ai soif,
je lèche le plat du sacrifice ; si l’ouragan
me poursuit, j’entre, en rampant, sous mon
étable, dans ma grande pyramide de Gizeh.
Pour nous mieux désennuyer, nous apprenons à nos
petits, dès la mamelle, à lire en rugissant,
les hiéroglyphes sur les murs. Par la cime de
l’obélisque, par le bec de l’ibis, par l’aile
du serpent qui plane, par l’antenne du
scarabée, par les deux bassins ciselés où
les âmes sont pesées, par l’épervier assis
à la proue de la nacelle des morts ; oui,
par le signe du fléau, par le sign