Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/299

Cette page n’a pas encore été corrigée

les bruyères un baume pour leur cœur qui avait cessé de battre. Leur âme était morte dans leur sein ; et ils attendaient encore debout qu’une pensée, une espérance, quelque nom, quelque dieu oublié vînt ranimer leur vie dans leur poitrine. Les enfants regardaient dans les yeux de leurs mères ; et, les trouvant vides, sans larmes et sans pensée, ils criaient tout effrayés : ma mère, laissez-moi. Rendez-moi à la vierge inconnue qui me berçait, avant de naître, en soupirant mieux que vous. Ses yeux étaient plus doux, son voile était plus long, les histoires qu’elle savait me réjouissaient mieux que les vôtres. Les peuples s’en allaient aussi, les yeux vides, chercher en tâtonnant sur les fleurs, sur les pierres, un nom qu’ils ne pouvaient plus lire. S’ils me rencontraient par hasard, je les entendais qui disaient, les mains jointes : Ahasvérus, bon Ahasvérus, toi dont les yeux voient encore, dis-nous-le, ce nom que nous cherchons, que nous avons perdu, qui nous aurait sauvés. Et quand je répondais : est-ce le Christ ? Ou bien : est-ce son père ? Ils reprenaient en ricanant : le Christ ? Ah ! Oui, vraiment, Jésus de Nazareth, n’est-ce pas ? Il est trop vieux pour nous. La terre ne produit plus dans son sillon de dieux nouveaux pour notre faim. Jéhovah, le Christ, Mahomet, nous avons semé depuis longtemps leurs cendres dans nos champs. Nous glanons à présent le néant. Notre âme s’est tarie dans notre sein, comme la citerne à qui manque l’eau du ciel.

Que nous ferait la pluie du firmament ? La soif de nos cœurs ne peut plus se guérir. Toi, demeure pour chanter, après nous, notre chant des funérailles. Nous te laissons en héritage les pleurs qui nous restaient à verser, et tout le fiel que nous n’avons pas bu.



L’Océan.

Ainsi, jour et nuit, quand je suppliais ma rive de