Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/236

Cette page n’a pas encore été corrigée

ation d’esprit, on peut toujours se dire que la mort n’est pas loin. Si vous saviez, la mort, comme elle est le remède de toutes douleurs ! Non, vous vous en laissez trop distraire. Vous ne pensez pas assez à elle ; vous ne la désirez pas assez ; vous ne l’aimez pas assez : elle, une femme aussi pourtant, si légère, si profonde, si sérieuse, si vieille, si jeune, si ailée, si prévenante, si changeante, un ange, une reine, une grande dame, une bohémienne, tout ce qu’on veut, de tous les états, de tous les rangs, facile à vivre, se prêtant à tout, habile à tout, à la guitare, au tambourin, à l’harmonica et au tam-tam, bonne voisine, bonne ménagère, point prude, point monotone, travailleuse, un peu moqueuse, mais fort heureuse, pourvu qu’il lui reste un charbon pour écrire : ci-gît qui fut... votre nom, s’il vous plaît ?



Ahasvérus.

Qu’importe le nom ? Elle est si lente à arriver.



Mob.

Il y a, en définitif, des positions extraordinaires où l’on est excusable de la devancer par le suicide. La morale vous condamne, mais le ciel vous absout. C’est une chose qui vous reste à essayer. Un brin de paille vous suffira, et le néant vous amusera.



Ahasvérus.

Et quand cela aussi est impossible, il ne reste donc que le désespoir sans fin ?



Mob.

Je le sais comme vous, et mieux que personne, on ne tient souvent qu’à un fil, mais ce fil est sacré. On a des devoirs à remplir, une carrière à parcourir, une famille à élever, des amis qui vous sont chers. Alors il faut patienter et prendre la vie comme elle est faite. Elle est courte ; pas assez, je l’avoue ; mais une