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Le flot a demandé son secret au rivage,
Et l’abîme a gardé le secret du naufrage.

Seulement, près du mort, jour et nuit, sans repos,
La sentinelle veille et contemple ses os.
Elle passe, et repasse, et pèse son argile,
De peur qu’il ne s’éveille au branle de son île,
Et qu’en se retournant, muet, sur le côté,
Il ne fasse en ses flots trembler l’immensité.



LI. LES VEUVES

 
Alors on vit au loin, dans ces champs de silence
Qu’a labourés sans soc le glaive avec la lance,
Vers Arcole et Wagram, aux déserts de Memnon,
Et dans maint autre lieu dont l’écho sait le nom,
La glèbe s’agiter et la terre se fendre,
Et les vieux ossements tressaillir sous la cendre.
Et l’on vit, oui, l’on vit, comme des chœurs en deuil
De veuves, au front pâle, et pleurant sur leur seuil,
Lentement s’éveiller, à demi prosternées
Sous le poids de leurs noms, cent fameuses journées ;
Le chaume sous leurs pas commença de frémir ;
Puis leur bouche d’airain s’entr’ouvrit pour gémir.
Ce fut d’abord un bruit incertain, éphémère,
Comme le vent qui passe en un champ de bruyère.
Et puis la voix s’enfla comme un bruissement d’os
Qui s’appelaient entre eux par des noms de héros.