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Dans la nue on voyait, en ses flancs enfermée,
De soldats morts au loin une muette armée.
La bise balayait leurs pâles bataillons ;
De leur soleil éteint ils cherchaient les rayons ;
Sous leurs manteaux de brume ils cachaient leur armure,
Et de leurs cieux errants s’exhalait un murmure.
On entendait dans l’air un céleste clairon ;
D’invisibles chevaux hennir sous l’éperon ;
Les trompettes des morts résonner sous la brise ;
Et, pareil à la voix d’un peuple qui se brise,
Des cymbales le glas au tremblement d’airain ;
Et les tambours battaient leur appel souterrain.
Dans le val de Longwood, sous le pic de Diane,
L’ombre, en paix, sommeillait. En son lit diaphane,
La source au pied du saule, éveillée à demi,
En paix désaltérait le ver et la fourmi ;
Mais le saule penché sur le flot qui s’écoule
Gémissait et pleurait, comme fait une foule.
La mer aussi gémit. De ses bords africains
Elle a poussé son flot ; et son flot aux longs crins,
Haletant, s’est dressé pour voir les funérailles.
Comme un bon fossoyeur, sous ses hautes broussailles,
Lui-même, l’éternel, a caché le tombeau ;
Et sur sa bouche d’or l’abîme a mis un sceau.
Et puis ce fut là tout. Sur le bord de la pierre,
L’abeille a bourdonné. L’insecte et la vipère,
Apportant leurs petits ensemble au même lieu,
Ont appris, par hasard, le mystère de Dieu ;