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Sur son roc Prométhée a lu sa destinée ;
Tout entière, il la voit, à ses pieds enchaînée.
Écoutez le mystère… et dites s’il est beau ;
C’est la voix d’un mourant et le cri d’un tombeau.
J’ai tout vu, tout senti, tout possédé sur terre !
Cendre des vieux états, et fumée, et poussière !
Dans ma main, j’ai pesé le monde et le néant ;
Vous le savez, amis ; et mes pas de géant
Ne sont pas tous ici marqués sur cette grève ;
Vous vous en souvenez ! Non, ce n’est point un rêve.
—Sire, il nous en souvient ! -Ne m’interrompez pas ;
Je n’ai point achevé. Dans mes mille combats,
Sans connaître mon œuvre, à mon œuvre fidèle,
À chaque heure attaché comme à l’heure éternelle,
J’écoutais sans entendre, et je marchais sans voir,
Et je ne savais rien que tout l’humain savoir.
Et je ne voyais pas, comme un aiglon dans l’aire,
Sur le bord escarpé de l’espérance altière
Quelle main me gardait et m’empêchait de choir ;
Ni quelle aile divine, abritant mon vouloir,
De mes cieux vagabonds caressait les nuages
Et berçait mon empire au branle des orages.
Mais, dieu merci ! La tombe, après que tout est dit,
Toujours porte conseil en sa profonde nuit.
Les fronts découronnés ont, après la tempête,
Toujours su ce qu’il faut pour rester sur le faîte ;
On voit sa faute à nu, voyant son châtiment ;
Et c’est le mort qui sait les secrets du vivant.