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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

C’était la langue ziph, enseignée à quiconque le demandait pour la somme fixe d’une demi-guinée, mais que le docteur m’apprit gratis, comme je la donne gratis au lecteur.

J’aurais laissé passer ce détail sans le relever, si je n’avais acquis la certitude que c’était un legs de temps plus anciens. Elle datait d’au moins deux siècles ; elle était peut-être contemporaine des Pyramides. En effet dans le fameux Essai sur un alphabet philosophique (je ne me rappelle plus si c’est le titre exact) ouvrage grand in-folio composé par l’ingénieux docteur Wilkins, évêque de Chester[1] qui le publia dans les premières années du règne de Charles II, in-folio que dans ma jeunesse je ne me bornai pas à lire, mais que j’étudiai, ce langage est mentionné et décrit en détail parmi un grand nombre d’autres systèmes pour correspondre secrètement, par la parole, ou par la vue, par les mots parlés ou écrits, ou par des symboles. Et comme l’évêque écrivant avant 1665, n’en parle pas comme d’une invention récente, il est bien possible qu’elle ait été regardée à cette époque comme une découverte antique, qui permet de converser sans être compris des assistants. Elle a en outre l’avantage de s’appliquer à toutes les langues, et il est impossible d’y comprendre quoi que ce soit, si l’on n’a pas été initié à son mystère. Le secret consiste à répéter la voyelle ou la diphtongue de chaque syllabe, en la faisant précéder de la lettre G. Par exemple la phrase : Partirons-nous dans une heure ? deviendrait celle-ci Gapargitigons rons gounous gandans gus etc. Il ne faut pas s’imaginer que la lan-

  1. Et auteur d’un autre Essai sur la possibilité d’aller dans la lune.