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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

rien au monde se servir de celui-ci pour rendre indûment hommage à celle)là, que la retraite de ce grand artiste « avait éclipsé la gaîté des nations. » C’était donc à des nations, et à des nations de sa propre génération, qu’il devait ses adieux, mais dans une génération, quel est l’objet qui peut être atteint ou qui peut atteindre, donner ou recevoir des remerciements ? Il n’y a pas de fiction, pas de délégation qui permette de présenter ces corps devant un tribunal. D’autre part l’auditoire d’un roi eût pu être un corps représentatif autorisé. Mais quand nous considérons d’abord de quoi se compose un auditoire formé par hasard et par accident, soit dans une rue, soit au théâtre, et ensuite la petitesse d’un auditoire moderne, même à Drury-Lane (3.000 au maximum), c’est-à-dire à peine le vingtième de ce contenait le Circus Maximus, et par dessus tout, quand nous considérons le défaut d’ensemble qui s’accuse dès que la cérémonie se prolonge un peu, dans les actes d’une telle assemblée, — actes qui se réduisent à l’expression passagère d’émotions passagères, actes si essentiellement transitoires que même systématisés, réduits en un art, où ils prennent le nom d’imbrices et de bombi[1], comme ce fut le cas à Alexandrie, puis dans les théâtres de Naples et ceux de Rome, ils sont dans la nécessité absolue et sans remède de mourir au moment même de leur naissance, — toutes ces considérations réunies nous montrent combien un auditoire ainsi formé est incapable de produire un résultat moins fugitif que sa propre et fragile existence.

Il y avait la même disproportion dans ces cas et

  1. Ce sont les noms de la classe antique.