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DU MANGEUR D’OPIUM

et pourtant il me fallait dire quelque chose pour n’avoir pas l’air d’avoir nié mon origine huguenote sans raison ni preuve. Après avoir hésité un moment, je dis qu’une famille portant le même nom que la mienne avait joué un rôle considérable et décisif pendant les guerres des Barons, et que j’avais vu moi-même bien des renseignements sur cette famille non seulement dans les livres de généalogie, etc., mais encore dans le plus ancien de tous les livres anglais. — Et quel était ce livre ? — La chronique versifiée de Robert de Glowcester, qui, d’après des indications intérieures, me paraissait avoir été écrite vers 1280. » Le roi sourit encore et dit : « Je sais, je sais. »

Mais que savait-il ? c’est ce que je me demandai longtemps après. Pourtant à ce que je me figure aujourd’hui, il voulait dire qu’il connaissait le livre dont je parlais, et alors, la chose me semblait peu probable, car je supposais que les connaissances littéraires du roi n’étaient pas très étendues, et que selon toute vraisemblance elles n’allaient pas jusqu’aux documents poudreux de l’époque. Mais je me trompais grandement dans mon appréciation, comme j’en eus la preuve la plus complète de divers côtés.

La bibliothèque de 120.000 volumes dont Georges IV a fait présent à la nation, et qui est venue depuis grossir celle du British Museum, fut formée sous la direction personnelle de Georges III, comme l’ont assuré plusieurs personnes qui étaient parfaitement au courant de l’histoire de cette bibliothèque et du développement qu’elle avait pris, n’étant que fort peu de chose au début. C’était sa création, sa distraction préférée, et ses soins allaient jusqu’à se préoccuper de faire faire pour ses livres des re-