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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

néral de son paysage rural, était exactement le même dans ce que Cowper avait vu de l’Angleterre, et ce qu’ils voyaient. Si bien que dans tous ces traits, ils reconnaissaient leur compatriote et leur contemporain, qui considérait les choses du même point de vue qu’eux, et ses tirades morales sur tous les grands sujets qui intéressaient le public, étaient jetées dans le même moule de principes d’intégrité que le leur. En disant cela, je parle de tous les sujets où les conclusions morales ne laissaient aucune place au doute (comme pour le commerce des esclaves, les lettres de cachet, etc.) Ils étaient tous d’accord pour se préoccuper anxieusement d’un point qui évidemment n’a aucune importance pour un Français, à savoir que leur pays devait être honnête dans ses actes publics et dans ses rapports avec l’étranger. À d’autres points de vue, sur la politique, il y avait de grandes différences d’opinion, surtout pendant la guerre avec l’Amérique, jusqu’à l’époque où la Révolution française prit une tout autre direction que ce qu’elle promettait d’abord. Après, une grande monotonie d’opinion prévalut pendant bien des années parmi tous les gens de cette classe.

Pour passer de la maison paternelle à moi-même, comme je vivais à la campagne, il était naturel que je fusse tout d’abord livré à l’influence des aspects et des incidents de la campagne. Les premières impressions fortes que j’ai ressenties se rattachent à des touffes de crocus du jardin.

Ensuite j’éprouvai dans toute son intensité ce qu’est la douleur la plus vive, quand mourut un bel oiseau, un martin-pêcheur, qui avait été pris dans le jardin avec une aile cassée. Ces choses se passèrent avant que j’eusse deux ans.