Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

commissionnaire, employé à faire des courses, vous ne pouviez vous dispenser de donner, conformément aux usages et à votre sentiment des convenances, une certaine somme représentant son salaire. On me dit à mon entrée que cette somme était d’une demi-guinée par trimestre. Or, c’était en réalité cette même somme que le collège prélevait pour le domestique principal, mais je donnais au mien une guinée par trimestre : je trouvais que c’était assez peu pour les nombreux services dont il s’acquittait, et d’autres qui étaient bien plus riches que moi, je puis le dire, lui donnaient souvent beaucoup plus. Cependant, il me parut par l’air satisfait avec lequel il recevait ponctuellement sa guinée trimestrielle — car c’était la seule dette que j’eusse pris à cœur d’acquitter exactement à son échéance, — il me semblait que maints jeunes gens insouciants devaient lui donner moins, parfois même oublier tout à fait de lui donner quoi que ce fût. En tout cas j’ai lieu de croire que la moitié de cette somme l’eût satisfait. Je mentionne à dessein ces minuties, car je me propose de donner une idée rigoureusement exacte des dépenses que comporte l’éducation dans une Université anglaise, évaluation qui peut être utile aux familles, en même temps qu’elle peut servir de réponse aux exagérations souvent calomnieuses qui circulent à ce sujet, en un temps comme celui-ci, alors que la vérité, même acceptée avec un esprit sincère et très disposé à l’indulgence, suffit bien juste pour défendre ces vénérables asiles de la science contre la ruine qui paraît les menacer. Et pourtant non ! C’est un langage abominable que le langage du désespoir, même dans une situation désespérée.